L’expression “métier d’ami” est de Proal. Ce volume réunit plusieurs contributions d’adhérents présentant la singularité de chacune des rencontres amicales de l’auteur. Reposant sur les informations recueillies dans la correspondance, présente dans le fonds Jean Proal des archives départementales des Alpes de Haute-Provence ; et sur quelques témoignages dont celui des neveux de Jean Proal – Françoise Allègre et Jean-Claude Proal.

Y sont évoquées les amitiés avec Maria Borrély, Thyde Monnier, Jean Giono, Marie Mauron, Lucien Henry, Lucien Jacques, Anna-Eva Bergman & Hans Hartung, Charles Galtier, Marie Gasquet, Henri Calef, Léo Lapara, Léon Derey, Les copains du Ventoux, et quelques autres liens amicaux…

 

Dessins de Patrick Serena, qui a fait un “rêve d’amitié” avec Jean Proal !

LE MÉTIER D'AMI

10 € + frais de port

Format 12 x 19 / 96 pages
ISSN 1961-3334
édition AAJP – 2009

de JEAN PROAL

Revue n°3 de l’AAJP

Contributions de : Marie-Madeleine Bonifaci, Gérard Cathala, Michel Falguières, Jacques Mougel, Georges Pataud, Paul Peyre, Patrick Serena, Michèle Tua, Jean-Jacques Vardon, Anne-Marie Vidal.

 

Avec photographies et dessins…

EXTRAITS

NB : Les extraits, lorsqu’il s’agit de lettres, sont dans le Fonds Proal A.D. 04

 

L’archaïsme d’une amitié viscérale sur laquelle s’acharne l’âpre et vigoureux burin de l’écriture proalienne dans Montagne aux solitudes illustre magistralement cette fatalité : « C’était moi, c’était tout moi, moi à en crier […] mieux que ma peau et ma chair […] plus profond que mes os. » Le portrait de Galliera exécuté par Faucherand porte la signature d’une amitié sans échappatoire. Prescience extrême et lucidité ultime des héros de tragédie : la voilà tout entière, l’aveuglante amitié de Faucherand. Sans esquive ni dérobade : une providence dure et fracassante, qui peut briser. Car il y a un risque.
La rencontre de l’ami est un étonnement, dans la mesure où l’ami est toujours celui qu’on espère mais jamais celui qu’on attend.

(Célébration de l’amitié, Marie-Madeleine Bonifaci p. 9)

 

Sans aucun doute, se tissa entre Paul et Jean la substantifique moelle de l’amitié. Amitié sourcée et cimentée par leur mère, dans la permanence de sa présence, malgré le manque cruel après sa disparition qui, en 1934, les avait laissés, encore bien jeunes, orphelins. Françoise n’a pu connaître sa grand-mère paternelle. Pourtant elle se souvient, et non sans grande émotion, du témoignage de son père et parfois de son oncle, évoquant leur solide admiration et leur amour pour leur mère – en mémoire revivifiée. Si le sens de notre existence ne réside, comme la poésie l’a si souvent et si bien exprimé, que dans le lien – avec les êtres, avec les arbres… – il nous survit et se transmet sans notre volonté. N’est-ce pas cela, qui réveille parfois nos larmes, tel ce don, en nous, de la fibre du disparu ? N’est-ce pas, en toute certitude, l’éternel message de l’écriture ouvrant le chemin au “Don des morts” ? De là, sans doute, la vivifiante eau de nos larmes au souvenir du disparu – parfois nostalgique de ne pas l’avoir suffisamment côtoyé ?

(La fraternité amicale, Anne-Marie Vidal p. 21)

© dessin de Patrick-Serena

L’importance considérable de l’amitié dans la vie de Jean Proal n’est guère à démontrer, tant sa correspondance, son journal, inédit, et son œuvre en portent témoignage. S’il le fallait encore, le poème en prose L’Amitié en attesterait, qui se termine par ce qui pourrait en être la phrase emblématique : « Avoir un ami c’est avoir deux échines pour supporter le poids du monde. » Il semble donc tout à fait logique et naturel que ce sentiment à la fois d’affection et de sympathie ait rayonné sur les rencontres et les échanges épistolaires avec bien des écrivains (d’origine bas-alpine ou non), qui, au-delà du désir légitime de reconnaissance, ont tout de suite perçu chez Proal des qualités humaines et créatrices d’exception, et lui ont généreusement prodigué en retour conseils et encouragements.

(Amitiés en partage, Gérard Cathala, p. 23)

[ …] Qu’une réelle et durable amitié naisse ainsi entre un écrivain [Jean Proal] et un réalisateur [Henri Calef] de cinéma adaptant une de ses œuvres [Bagarres] est un fait sans doute assez rare pour la rendre singulière et attachante. En effet, le plus souvent, les auteurs cèdent leurs droits à un producteur et n’ont plus, par la suite, possibilité d’intervenir sur l’écriture du scénario et la réalisation du film.

 

Ceux qui veulent vraiment préserver leur œuvre deviennent eux-mêmes soit scénaristes, soit réalisateurs, soit les deux comme l’ont fait Giono, Pagnol, Cocteau, Guitry ou encore Duras. Toujours est-il que la rencontre sera, à long terme féconde…

(La rencontre “de deux timidités positives”, Jacques Mougel p. 37)

 

Marie Mauron a dédié Le printemps de la Saint Martin “Aux Amis et à l’Amitié”. Dans les dernières interviewes de Marie Mauron où elle s’exprime sur l’amitié, nous lisons : « On me reproche d’avoir trop d’amis ! Si je n’en avais que vingt, j’aurais vergogne, je ne rentrerais pas chez moi ! Les amis, ce sont des fenêtres ouvertes sur le monde. Si tu fermes ces fenêtres, tu te fermes à tout ».

Et, « Je suis contente quand le livre de quelqu’un que j’ai aimé est réussi… Avec les amis, il n’y a pas de jalousie, il n’y a pas d’épines… Je crois que plus on vieillit et plus on a besoin d’avoir des amis en qui l’on croit. C’est la vraie chaleur… ».
À la question, y a-t-il eu des amitiés bafouées ? elle répond : « ça m’est arrivé, mais on gomme. Le bonheur a été d’y croire. »

(Marie Mauron, sœur aînée de Jean Proal, Jean-Jacques Vardon, p. 49)

À Saint-Rémy, berceau des écrivains provençaux depuis plus d’un siècle déjà, Charles Galtier, majoral du félibrige, poète, dramaturge et conservateur du musée Frédéric Mistral de Maillane reconnaîtra en Proal « un écrivain de grande race ». Galtier éprouve de profonds sentiments d’admiration et d’estime pour l’homme et son œuvre. […]

Dès ses premières lectures, Marie Gasquet reconnaîtra en Proal un très grand écrivain et dès la parution d’un nouveau livre, elle lui écrira pour lui faire part de son admiration et lui offrir toute son amitié. Elle apprécie à la fois le lyrisme et la rigueur du style de ses ouvrages.

(Les amis des Alpilles et de plume, Michel Falguières, p. 56-7)

Le terreau de cette amitié est constitué d’amour de la langue et de la littérature : Lulu [Lucien Henry] joue avec les mots, en jouit et les manipule avec délectation. Jean, lui, a l’attitude du montagnard qu’il est ; les mots, il les garde en bouche, les soupèse, les pense, les remâche, puis quand le labour de sa terre est accompli, alors il les sème sur le papier avec une parcimonie pleine de sensibilité ; celle-ci est alors imprégnée de la force intestine de cette lente gestation puis de cet accouchement. Ils ne sont pas de même nature ces deux hommes, mais leur lien est solide et inscrit dans le temps.

[…][Lucien Jacques], ami également de Lulu et de Jean Proal, il possédait le même goût, ancré solidement, pour ces hautes terres provençales.

(Lulu & Jean, Michèle Tua, p. 62 et 67)

 

Aux fondations de l’amitié entre ces deux hommes, il y a la reconnaissance d’un travail et d’une œuvre, et l’attention portée par l’un d’eux au « besoin de justice » de l’autre, mis sous le boisseau de la notoriété de quelques écrivains classés « terre – paysans – montagne » par une critique expéditive à qui la facilité du raccourci évite de creuser en profondeur. Et Jean Proal de conclure : « Mieux qu’une banale gratitude, je voudrais que vous croyiez, cher Monsieur, par-dessus mon métier d’écrivain et par-dessus votre métier de critique à mon amitié d’homme pour l’homme que vous êtes sûrement ». Il a la juste intuition. Léon Derey, homme d’une grande délicatesse et d’une grande ouverture d’esprit…

(Une amitié “à hauteur d’homme”, Gérard Cathala, p. 70-1)

 

Ils signaient de cœurs enlacés, se déclaraient leur alliance substantielle, leur impatient désir de se revoir. Chacun très indépendant et tout à la fois, justement, respirant le lien nécessaire avec son compagnon, Jean Proal & Suzon d’une part, Anna-Eva Bergman & Hans Hartung d’autre part – deux couples de “la deuxième chance” – tissent une belle amitié à partir du printemps 1959, en pleine maturité de leur existence. De là, sans doute, l’émergence de ces mots-valises avec leurs prénoms : Hanseva ou Hansanneva, JeanZon, ou ZonJean… qu’ils se sont inventés. Bref, ils incarnaient l’amitié, telle qu’en témoigne Joë Bousquet, « j’appelle amis ceux qui me manquent chaque jour ». Leur relation fut intense et suivie jusqu’à la mort de Jean ; elle a continué avec Suzon jusqu’en 1975.

(Une fraternité choisie, Anne-Marie Vidal, p. 75)

 

Un jour de novembre, j’ai rencontré Jean Proal.
Il paraissait songeur, assis sur le rebord d’une fontaine en mélèze. Ses yeux étaient limpides comme l’eau de Gymète. Il s’est approché de moi.
– Êtes-vous le nouveau garde forestier ?
[…] C’est après la lecture des Arnaud, en 1996, que j’ai fait ce rêve étrange, devenir son ami.
La lecture de ce roman a été pour moi une révélation, je suis entré en religion dans son écriture comme le peintre dans son atelier. Chaque image décrite est devenue dessin, aquarelle, tableau. L’écho des phrases de Jean Proal, a résonné dans mon travail artistique. Les tonalités bleu et sépia transparentes, presque liquides, restituent jusqu’au souffle des hommes des hauts pays.

(Un rêve d’amitié, Patrick Serena, p. 85)

Sans oublier le mot de Paul Peyre sur Les copains du Ventoux et celui de Georges Pataud sur l’amitié en scène avec Léo Lapara.
Et les autres liens d’amitié présentés en fin d’ouvrage…