Jean Proal et Georges Item en quête de la Camargue et des Alpilles

LE Goût DE L'écriture et le regard des autres

Les premiers récits

Jean Proal n’était pas de ceux que l’on considère comme de bons élèves, mais il aimait la littérature. S’essayant déjà à l’écriture, il confie en 1922 « deux contes [qu’il remit], sans oser le regarder, à Saint-Denis », son professeur de littérature de Première ; ce dernier qui dit « avec la même pudeur : Pourquoi écrivez-vous des choses si tristes ? ».
Jean Proal précise qu’il a passé huit ans, puis trois ans comme pion, au même lycée en préparant des concours ; et renonçant alors « à l’idée du professorat des écoles normales… [il s’est] retourné vers un examen plus vite préparé : le concours de l’Enregistrement ».

 

Jean-Proal-Portrait

Il ajoute : « Au fond, ces trois années de flemme m’ont été profitables… Mais j’ai lu, aussi, beaucoup, et peut-être pensé. Cela a été une sorte de halte entre l’école et la vie ».
De ses années d’enfance et d’adolescence, Jean Proal témoigne avoir gardé, non seulement le sens du contact intense avec les animaux – dont celle de la peur douloureusement dominée face à la chienne de berger, « la grande noire » -, mais encore la saveur des contrastes saisonniers, de « la fraîcheur des aurores » et du « surgissement de la nuit », fertiles « en émerveillements et surprises », que nombre de ses descriptions savent restituer. Il se souvient de l’alternance des départs en diligence vers le lycée, qui lui faisaient quitter sa mère avec « l’angoisse de la prison prochaine », et de la joie des retrouvailles ; et, entre les deux « la pensée des vacances suivantes [qui] luisait […] comme une vengeance ».
En 1930, il fait déjà une conférence sur la poétesse Cécile Sauvage – dignoise, épouse de Pierre Messiaen, mère du musicien Olivier – décédée à quarante-quatre ans.Puis, en 1931, un article paru dans la Revue Hebdomadaire. Pierre Messiaen lui confie « qu’elle est une des meilleures choses qu’on ait écrites sur Cécile ».

À vingt-quatre ou vingt-cinq ans, ses premiers écrits sont essentiellement des nouvelles ou contes ; certains paraissent alors dans la revue Le Feu, animé par Joseph d’Arbaud et Frédéric Mistral « Neveu ». Ce sera comme un tremplin à la rédaction de ses premiers romans. Le premier rédigé, Les Arnaud, refusé par les éditeurs, ne sera publié que plus tard.
Plusieurs lettres de Jean Giono, de 1929 à 1931 reconnaissent son talent ; ainsi, lorsque Jean Proal se décourageait face à la frilosité éditoriale, « Rien ne doit vous empêcher d’écrire… » s’écrie-t-il. (cf. Proal-Giono, échange épistolaire, Bulletin N°6).

Jean Proal a toujours eu cette taille élancée, cette démarche élégante, sans affectation, avec une élégance toute naturelle, une sensibilité très fine qui était déjà la marque de sa mère et qui faisait de lui un homme immédiatement attachant. Et puis, cette sincérité, cette probité de l’homme de la montagne qui a su exprimer ce qu’est la montagne…

Paul Pons
Jean Proal

Les années fertiles

En dépit des grandes difficultés à se faire connaître des éditeurs, oscillant entre découragements et espoirs, entre batailles et doutes, ces années sont fertiles en écriture et en rencontres littéraires.
Ainsi en témoigne sa correspondance : d’abord Jean Giono l’exhortant à ne pas se décourager dès 1929-30 et Maria Borrély le soutenant de son amitié ; puis Marie Mauron, à partir de 1939 ; mais surtout, dès ses débuts, Alexandre Arnoux qui se dépense à lui ouvrir les portes de l’édition – dont Grasset qui refuse son manuscrit et Denoël qui, après quelques hésitations, publiera la plus grande partie de son œuvre.
Cependant, Jean Proal est desservi par le fait qu’on ne cesse de le considérer, chez les éditeurs et dans la Presse, comme un imitateur de Giono ou Ramuz, en dépit de multiples témoignages contraires – dont celui du critique littéraire Léon Derey, admirateur assidu de cette œuvre jusqu’après la mort de Proal.

Les nouvelles et les contes

Jean Proal envoie, souvent sur leur demande, nouvelles et contes, que certaines – en particulier Le Domaine, Les Nouvelles Littéraires, La Revue Hebdomadaire  et  La Nouvelle Revue Critique  – publient.

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Les Romans

En 1932 paraît Tempête de printemps puis sa suite, À hauteur d’homme, en 1933, romans qui, dans la première conception, devaient faire partie d’un triptyque sous le titre Le maître du jeu.
Après quoi il y eut un silence de la création pendant huit ans auquel il fait allusion dans Carnet de route et qui faillit définitivement le décourager.
Certainement cela est en lien avec l’immense chagrin longtemps inapaisable de la mort, en 1934, de sa mère : « Écrire pour qui, alors ! puisque c’est si peu pour moi, pour le moi social […] Ils sont morts […] Mon père et surtout ma mère, à qui il n’a manqué qu’un peu d’élan pour faire ce que je voulais faire et de qui je tiens sans doute l’étincelle ». Ce silence est rompu par la parution, en 1941, de son roman Les Arnaud – achevé dans sa première version dès 1929-30 (cf. Les Arnaud le livre d’un doux sauvage, Revue AAJP n°2), mais largement réécrit avant d’être soumis une deuxième fois à Denoël.

Extrait de Carnet de route, de Jean Proal – lu par Yves Mugler © AAJP

 

La maladie

Malheureusement, de graves ennuis pulmonaires, bien plus que ceux qui avaient déjà fait obstacle à ses actions, vont contrecarrer la réalisation qu’il, soutenu par Suzon, était en droit d’attendre de ses projets en cours. Il est contraint, en 1960, après plusieurs mois de soins chez lui, de faire un séjour en sanatorium d’Al Sola, à Amélie-Les-Bains – qui durera près de deux ans et demi – où il commence son journal, Journal d’Al Sola (inédit,cf. Journal d’Al Sola, 2019).

Il ne s’est jamais vraiment remis de cette grave tuberculose. Hospitalisé d’urgence à Avignon suite à une grippe compliquée de troubles respiratoires, Jean Proal meurt le 24 février 1969. Il est enterré à Saint-Rémy, où prendra place à ses côtés, son meilleur ami « Checo », Georges Item.

Tombe de Jean-Proal

Au moment de sa mort, quand on lui a dit « est-ce que la lumière te gêne ? » – il était en respiration artificielle – il a demandé une feuille de papier, et il a écrit « c’est la lumière qui me fait respirer ». Je trouve qu’un homme qui meurt et qui dit une phrase pareille, est allé très loin, je crois, je pense, je l’espère…

Suzon Proal