05 Mai La vie intérieure
La vie intérieure
Mercredi 17 mai 2017 à 18h00 ANNULÉ
Librairie Regain
Place de la Libération
04110 Reillanne
Tél. 04 92 75 30 84
JEAN PROAL (1904-1969) ET MÉRÉDITH LE DEZ
Lecture-rencontre avec Anne-Marie Vidal et Mérédith Le Dez
Mérédith Le Dez est née en 1973. Après un Capes et une Maîtrise de Lettres Modernes consacrée à Luc Dietrich (Le Bonheur des tristes et L’Apprentissage de la ville ou “ le roman de la confession ”), elle enseigne le français en collège et en lycée pendant dix ans. Puis elle reprend des études, préparant un Master Professionnel Edition qui l’amène à créer, en 2007 sa propre maison, les Editions MLD, et à quitter définitivement l’Éducation Nationale. Elle développe pendant 6 ans un catalogue tourné principalement vers la littérature et la poésie (voir le site www.editions-mld.com). Parallèlement elle écrit et publie deux livres chez Folle Avoine.
A l’automne 2012, contrainte de renoncer à l’aventure éditoriale pour des raisons économiques, elle décide de se consacrer désormais pleinement à l’écriture.
Les thèmes qui l’inspirent sont le rapport intime, intellectuel et physique, à la langue ; la nostalgie et le manque comme terreau de l’écriture ; l’impossibilité de trouver véritablement sa place dans un monde en crise.
Extraits
Derrière les vitres du vieux car, incrédule – c’était bien là le village natal – mais aussi à Sopot devant la Baltique, comme au bout des terres bretonnes à Crozon l’hiver précédent, un poing de lierre autour du cœur qui tarde à desserrer son étreinte. La reconnaissance des paysages, non pas seulement l’épreuve de la beauté qui écartèle l’âme quelques instants, mais l’impression forte, l’emprise, l’empreinte restée depuis, comme une claire cicatrice.
Quelques lieux ont ce pouvoir de racine, qui s’insinuent en nous et nous gagnent d’abord par le corps, entrant dans nos yeux en même temps qu’ils grimpent par les veines, par le réseau souterrain des nerfs, des os, et nous voici réveillés soudain par une fulgurance dont nous sortons transis. Nous nous croyions jusqu’alors sans attache. Le lien résiste en dépit du temps, de l’espace ; résonne comme une corde pincée : de terre en terre, des concordances s’établissent ainsi en nous, que nous habitons bien plus que nos réelles résidences. Elles deviennent principales.
Polska, Folle Avoine, 2010, pages 17-18
‘‘Je vois dans le miroir
cet autre que moi
tout aussi étonné
par l’âge énigmatique
venu en somme
brouiller la piste
ce corps cavalier
avec l’intérieur de sa tête
toujours trop
en retard ou en avance.’’
Cavalier seul, éd. Mazette, 2016
Ton corps hélas prenant toujours la place
ton corps pendu au bras des heure lasses
lourd du vide étranglé de l’ancien monde
ton corps jour et nuit pesamment désert
s’il voulait bien absent à paupières closes
dans la lumière d’herbe déclinée du soleil
s’il pouvait ton corps enlacé d’ambre vert
respirer lentement à longs traits respirant
et fendant l’eau d’une seule et pure incise
vers la seule île la si blanche île s’il pouvait
ton corps atteindre les hanches du silence
et s’il pouvait ton corps s’éteindre encore
Paupières Closes, éd. Mazette
Texte de Jean Proal
Je ne suis, en toute humilité, en toute ingénuité, qu’un raconteur d’histoires. “Arrêter pour un temps les mains occupées aux œuvres pratiques de la terre, obliger les hommes absorbés par la vue lointaine des succès matériels à contempler un moment autour d’eux une vision des formes, des couleurs, de lumière et d’ombre, les faire s’arrêter…”, disait déjà Conrad. Je ne prétends aussi – et c’est beaucoup prétendre – qu’à faire s’arrêter les hommes une seconde – le temps d’un soupir, d’un sourire, d’une larme peut-être…
Encore faut-il que ces histoires me soient imposées par quelque nécessité intérieure, celle-là même qui sous-tend la pensée de Conrad : s’arrêter soi-même pour obliger ses compagnons à ne pas courir trop vite vers leur mort.
C’est assez dire, je crois, que je n’ai jamais écrit une ligne dont j’ai pu penser, au moment où je l’écrivais, qu’elle n’était pas “nécessaire”.
Mais que de pages ainsi écrites en pleine exaltation, sous l’impulsion d’une rigoureuse certitude, se sont révélées – à peine l’encre séchée et la pensée refroidie – comme des corps sans âme qu’aucune vie n’aurait jamais habités : des mots dépourvus de chair et de sang, des phrases sans souffle, des pages sans transparence et sans écho.
Ai-je besoin de préciser que celles-ci ont trouvé dans les flammes de ma cheminée le seul éclat dont elles étaient justiciables !
Quelquefois, rarement, la phrase relue a gardé le halo du rêve, la tiédeur de la vie, le reflet d’une odeur ou d’un son, la pulsation sourde du sang qui bat dans les veines de chair.
Il me semble qu’il y a, dans les pages de ce recueil, quelques-unes de ces phrases-là, et qu’elles ont gardé un frémissement de vérité humaine. Il me semble qu’elles valaient d’être dites.
In Suite montagnarde, avant-propos
Bibliographie de Mérédith Le Dez
Paupières closes, avec les peintures d’Emmanuelle Boblet, éditions Mazette, avril 2017
Cavalier seul, poésie, éditions Mazette, décembre 2016
Chanson de l’air tremblant, poème caraïbe, avec des gravures de Chantal Gouesbet, éditions La Lune bleue, 2016
Quatre chevaux de hasard, poésie, 2015, éditions Folle Avoine
Baltique, roman fantôme, roman, éditions Le bruit des autres, 2015
Journal d’une guerre, poésie, éditions Folle Avoine, 2013 (Prix international de poésie francophone Yvan-Goll 2015)
Polska, récit, Folle Avoine, éditions 2010
Les Eaux noires, poésie, éditions Folle Avoine, 2008
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