bulletin AAJP 12 - jean proal

L’association des Amis de Jean Proal a vingt ans cette année !


Les personnages féminins sont au centre des romans et nouvelles de Proal.

De là ce choix de consacrer une revue au féminin à l’œuvre – au cœur de sa vie de sa création ou dans son œuvre…

LE FÉMININ À L’ŒUVRE

12 € + frais de port

Format 12 x 19 / 96 pages
ISSN 1961-3334     ISBN 979-10-95637-04-2
édition AAJP, 2018

de JEAN PROAL

Revue n°12 de l’AAJP

Sont republiées ici deux nouvelles parues en revue puis insérées selon le choix de Jean Proal, quelques années après, dans la première partie de Suite montagnarde intitulée Malentendus.

 

Avec trois accompagnements : d’Annie Chazal, de Sylvie Vignes et d’Anne-Marie Vidal.

EXTRAITS

Accompagnement de Sylvie Vignes, Dans un pli de l’espace-temps

Dans la nouvelle Vacances publiée pour la première fois en 1944 en revue, un jeune couple en voyage de noces part sur les traces de « Manarch, le premier homme », personnage d’un vieux roman anonyme trouvé sur les quais. Ils jouent à être revenu aux âges farouches, mais ce qui n’est d’abord qu’un jeu va prendre aux yeux de la jeune mariée plus d’importance que son couple même. Il faut dire que le renoncement à la civilisation et la fusion avec le monde sensible est pour elle bien plus naturelle que pour Jacques le Parisien : « Elle tournait, dans la grande lame d’eau, et c’était si coulé, si naturel, tellement silencieux […] quelque chose qui ne semblait pas une nage apprise, mais l’allure d’un corps qui retrouvait dans l’eau son élément naturel. Elle tenait sous l’eau un battement rapide des jambes, à peine indiqué et qui ne ridait même pas la surface, mais qui la jetait en avant avec la même aisance qu’une large queue de truite. Ses bras sortaient de l’eau, y pénétraient, en ressortaient, comme si la surface en était d’huile douce et le long corps bronzé filait, tournait, plongeait dans une sorte de silence surnaturel. »

Il a un goût de sang comme l’aventure. Il est à la fois la route et la chanson et le bruit des pas sur la route et la risée du vent sur les herbes. Il est le feuillage bruissant des arbres et la cabane abandonnée, et la paille de la cabane, et le feu craquant entre des pierres. Il est l’eau qui chante et l’eau qui désaltère et le raisin volé qui éclate sucré dans la bouche. Il est cette assurance. Il est le rire et le défi et – oui Thérèse ! – ce bras qui se referme et emporte, qui emprisonne et libère, et qui protège. Cette chaleur.

Accompagnement de Annie Chazal, Thérèse, l’instant des métamorphoses

 

Et là survient un événement inattendu qui fait tout basculer ‘c’est en relevant les yeux qu’elle a vu l’homme qui la regardait de l’autre côté de la fenêtre […] né de la pluie et de la brume’. Le récit prend alors un tour onirique, quasi envoûtant, cet homme, ce trimardeur inconnu, né de la boue, comme d’une matrice originelle, devient figure de cristallisation d’une autre vie possible – figure que Thérèse va détailler avec avidité, figure indéfinie et poétique, symbole de la jeunesse déjà presque perdue pour elle. On ne sait plus dans cette litanie de phrases somptueuses s’il s’agit de description, de rêve éveillé, de fantasme – entre engluement dans la boue et élan du désir, le rêve devient presque érotique, va jusqu’à imaginer des sensations précises ‘les muscles durs et chauds, cette force, cette aisance tranquille’ ; L’éros se ramasse en symbole puissant, ‘la liberté’. Suit un paragraphe où le lyrisme culmine en un moment de poésie pure :

Jean Proal, le féminin à l'œuvre

Extrait du texte de Anne-Marie Vidal, Entre les mots ou le souci de l’inaccompli (in S’arrêter un moment avec Jean Proal, 1998)

Foi aussi, en la vertu de rébellion. Le tragique de bien de ses personnages est taillé dans cette étoffe qui les conduit à préférer la brisure de leur vie à la soumission de leur âme. Même Hélène qui rencontre enfin la chance de bonheur à la mesure de son paysage… Même la gracieuse Dame des neiges d’Histoire de Lou qui par amour a fui le monde des hommes pour défendre et protéger l’harmonie menacée de la nature… Êtres sans cesse incités, augmentés, ressourcés par la symbiose intensément vécue avec leur terre, leur vent, leurs aubes. Le contact charnel, l’entremêlement de leur respiration avec cette permanence est chaque fois un ferment d’amour ébloui et recommencé.
Je reste toujours, à relire cette œuvre, étonnée par la picturalité de sa plume se saisissant des paysages et éléments – c’est ici que son sens du bonheur et de la lumière ne se dément jamais. Peut-être, son essentiel compagnonnage avec des peintres – Hartung, Prassinos, et surtout l’allié substantiel, son ami Georges Item – en ressource ses yeux.
Bien de ceux qui l’ont connu, en particulier Louis Brauquier, ont souligné, perplexes, l’étrange habitation de cet homme. Doux, discret, fragile, comment a-t-il pu porter des hommes si rudes voire durs et violents ? Était-ce sa bagarre personnelle, afin de s’étoffer ? Avouant, ‘Avant tout j’écris pour moi, pour me mieux connaître… me donner des contours… qui m’enlèveront peut-être cette peur que j’ai de me diluer dans le monde.’