Conte
de JEAN PROAL
Ed. Gallimard (1956)
Un jour, Pa et Lou, son petit garçon, pénètrent dans la Vallée Perdue, vierge jusqu’alors de toute présence humaine. Du haut de son Palais, la Dame des Neiges, chargée de préserver l’intérêt supérieur du Royaume des Bêtes, s’inquiète de l’arrivée de ces étrangers : elle ordonne de les faire disparaître. Mais, chacun à leur tour, les animaux sauvages qui entrent en contact avec le petit homme aux cheveux rouges tombent sous son charme et deviennent ses amis…
Cet ouvrage nous offre une écriture tout à fait singulière au sein de l’ensemble de l’oeuvre de Jean Proal. Hymne plein d’humour, à la nature, la beauté, l’amour – aux résonances subtiles d’une philosophie écologique mais tempérée…
Publiée (partie I) d’abord en 1950 au supplément de la revue France-Illustration, puis en 1951 à la radio avec des voix d’acteurs célèbres au théâtre, notamment Pauline Carton, puis chez Gallimard en 1956.
On trouve aussi – dans le fonds Proal, AD04 – une adaptation anglaise d’Histoire de Lou, The wolf and Lou.
Jean Proal écrivait en quatrième de couverture de l’édition originale : « Si l’on en croit les personnes sérieuses, il y a beau temps – exactement depuis qu’il y a des personnes sérieuses – qu’il n’y a plus de fées, que les bêtes ne parlent plus et que les enfants n’ont plus de goût qu’à la mécanique. C’est donc aux personnes-pas-sérieuses (je veux dire celles, entre 14 et 80 ans qui ont gardé le miraculeux don d’enfance) que je dédie l’histoire de cette fée un peu trop femme, de cet homme trop simple et de cet insolent petit garçon. »
C’est dans cette collection de Gallimard, devenue prestigieuse, (commandes faites à des écrivains pour adultes reconnus) qu’est paru L’enfant et la rivière de Henri Bosco. Beaucoup d’écrivains, et des plus illustres, ont eu souvent le dessein spontané d’écrire à l’intention des jeunes lecteurs.
“La Bibliothèque Blanche” se propose d’accueillir de tels ouvrages. Ainsi, à côté de la bibliothèque des parents, se formera peu à peu à celle de leurs enfants, composée de textes d’une valeur littéraire certaine. Cette série a été créée pour donner à la jeunesse de beaux récits écrits à son intention… Collection la Bibliothèque Blanche
Ce livre appartient à la Bibliothèque blanche qui, à la N.R.F., publie, on le sait, les œuvres d’écrivains – et des meilleurs – désireux de s’adresser spécialement aux jeunes lecteurs. On peut donc se douter qu’il s’agit d’une histoire merveilleuse.
Lou et son père se sont aventurés dans la montagne interdite où trône la Dame des neiges servie par tous les animaux sauvages. Mais Lou n’en craint aucun. Bien mieux, connaissant leur langage, il leur offre son amitié, les séduit, en fait ses alliés. Sa confiance hardie désarme peu à peu les pièges les plus subtils. Jusqu’au triomphe !
Un conte de fée ? Si l’on veut, mais d’une exquise poésie, conduite avec les mots les plus simples, dans la pureté des sources fraîches.
L’Histoire de Lou a sa place dans la bibliothèque – de qualité – que les enfants se doivent de constituer peu à peu, à côté de celle de leurs parents. Mais cela ne veut pas dire qu’elle n’intéressera pas les parents eux-mêmes, pour peu qu’ils aient gardé le miraculeux don d’enfance. Et cette fée un peu trop femme, ces bêtes trop tendres, cet homme trop simple et ce hardi petit garçon, ne les captiveront pas moins que les héros beaucoup moins purs de De sel et de cendre ou de Vin d’orage que Jean Proal a magistralement campés ailleurs.
R. Perraud in Pages à la page, l’Officiel de la mode n°421-422
Je retiens une phrase de “Lou” qui m’a touchée (et que je place, au moins, à la même hauteur et en même temps simplicité, mais n’est-ce pas un peu pareil, que certaines prononcées par le Petit Prince) :
« Oui, dit Lou, mais je voudrais savoir si tu es mon ami.
– Je n’ai besoin de personne dit sèchement l’aigle.
– Je sais, dit doucement Lou, mais ce n’est pas cela l’amitié. »
Élisabeth Santa-Croce
C’est à nos amis provençaux, Hélène & Jacques, que je dois la découverte de ce bijou méconnu de la littérature. Je l’ai lu avec bonheur, que je me suis empressé de faire partager à l’un ou l’autre membre du staff et d’autres. Mais pour bien apprécier la substantifique moelle de cette féerie (ce conte ou cette parabole, comme on voudra !), il faut vivre soi-même en communion émerveillée avec les animaux, les fleurs, les arbres, si petits et insignifiants semblent-ils ; le cosmos et aussi nos semblables. En un mot il faut être enchanté (au sens fort) par la vie… et par Celui qui en est l’auteur et la plénitude. En lisant les aventures du petit Lou, je voyais se profiler en fond de scène d’autres personnages nés de l’imaginaire émerveillé – le petit prince, Mowgli, Alice, Nis Holgerson, Frodon, ses Hobbits & ses amis, les personnages de Narnia – et d’autres, ceux-ci en chair et en os. Pour moi, ce récit est initiatique, plein de charme et de poésie, et parfois sévère aussi. Il me semble que le dernier mot, son message, c’est que l’amour est la grande force de la vie… En vente dans notre librairie et tout prêt à vous emmener sur les ailes du rêve au pays du bonheur et de l’harmonie.
Père Roger Riblet-Buchmann, abbaye St-Maurice de Clervaux G-D de Luxembourg.
Les premiers chapitres consacrés au couple inhabituel de l’enfant et de son père décrivent le jeune garçon sagement occupé à servir de point de repère pour les mesures que l’adulte effectue. Mais très vite Lou va gagner en autonomie et cette autonomie facilement obtenue va lui permettre de jouer le premier rôle dans une histoire qui est avant tout, le titre le dit, la sienne.
Cette autonomie aisément conquise est d’abord la preuve de la grande vitalité d’un enfant qui prend les choses en main à sa façon. Elle a aussi pour fondement la confiance dont il fait preuve en permanence en offrant facilement son amitié à tous les animaux sauvages qu’il rencontre. Très vite accompagné par le loup jaune qui est devenu son ami, il gagne également les faveurs de la mère des truites, à la demande de celle-ci, puis la bienveillance de la chouette, des hulottes et des roitelets, de l’écureuil, du mélèze, et jusqu’à l’aigle et même à l’ours qu’il conquiert en s’endormant paisiblement entre ses pattes.
Si le thème axiologique de l’amitié que j’ai déjà rapproché du célèbre chapitre du Petit prince est omniprésent, il faut bien voir que cette relation confiante avec les autres repose sur une particularité que le roman souligne : dénommé Lou, imitant la marche du vieux loup jusqu’à devenir une sorte de double de son ami, finalement supposé fils de la dame des neiges qui préserve les animaux et leur Vallée perdue, l’enfant est pleinement chez lui dans ce monde naturel où il circule et où il met en permanence en action une générosité aussi directe qu’immédiate. Cette proximité avec des animaux n’est pas sans rappeler certaines des analyses d’un Bruno Bettelheim dans sa Psychanalyse des contes de fée : comme c’est le cas pour d’autres héros souvent transformés en animaux (princes grenouilles, par exemple), c’est en se fondant sur sa part d’animalité que Lou est l’enfant dynamique, autonome, touchant de confiance, que le roman propose en exemple à ses lecteurs.
Sa conquête de nombreux amis mais aussi de tout un territoire dans lequel il va circuler librement ne va pas le couper de son père pour autant. Devenu autonome, Lou continue à manifester la sollicitude dont il témoignait initialement à l’égard de Pa, en particulier lorsqu’il revient pour empêcher celui-ci de faire quelque faux pas dangereux lorsque la Dame des neiges a envoyé un très ample et durable nuage de brume.
À la vitalité fraternelle d’un jeune garçon attentif à son père viennent s’ajouter perspicacité et habileté relationnelle lorsqu’il prend conscience de l’existence d’un personnage puissant et qu’il fait avouer au loup jaune le nom de la Dame des neiges. Pour rencontrer la souveraine, Lou devra faire preuve d’une grande persévérance aussi, ainsi que d’un engagement authentique dans sa volonté de savoir. Son courage pour pénétrer dans le palais de la souveraine, puis pour atteindre les sommets, ainsi que la finesse de compréhension qu’il manifeste lorsqu’il écoute le couple de chamois seront finalement pleinement récompensés : la quête de Lou aboutit au retour d’une mère, à la (re)construction d’un couple parental, ce qui, d’ailleurs, ne lui fait pas perdre l’amitié du vieux loup jaune finalement devenu son compagnon.
Jean-François Massol, in Jean Proal, créateur d’humanitép 95-6 (APU) disponible à l’AAJP.