04 Oct Jean Proal, sa vie et son œuvre
Jean Proal, sa vie et son œuvre
Vendredi 20 octobre 2017 à 20h30
L’Oustau di PETIT
12 avenue Auguste Chabaud
13690 Graveson
Tél. 04 32 61 94 06 / 06 87 31 11 03
Présentation et lectures par Anne-Marie Vidal.
Rencontre organisée par le Centre de Rencontres, d’Etudes, de Documentation et de Diffusion d’Oc.
www.creddo.info
Extrait
« Sans mon pays, je ne serais rien. Mais quel est mon pays ? Montagne ? Provence ? Les deux, sans doute que réunit et résume cette “marche” (frange et degré) de Haute-Provence où je suis né et où j’ai pris conscience de mes richesses et de mes limites. Goût de la lumière, du dépouillement et du silence. Sens du tragique. Violence intérieure et retenue d’expression. Avidité de vivre et sens de la fatalité. Besoin de joie et goût de l’amertume. Paralysante pudeur. Obstination qui touche à l’entêtement. Bonté vite effarouchée. Orgueilleuse humilité.. J’allais essayer de faire le départ, de dire : ceci est du provençal et cela du montagnard. Mais je m’aperçois que ces défauts et ces qualités définissent aussi bien l’un que l’autre et que, ma province, c’est la lumière méridionale ». Interview Quels traits caractéristiques de votre province reconnaissez-vous en vous-même ?
In Les Nouvelles Littéraires, la Gazette des Lettres, du 08/09/46 Cf. Les Arnaud, le livre d’un doux sauvage, revue n°2 AAJP 2008
Jean Proal raconte que petit il fut adopté par tous les habitants de son village, entrant partout à toute heure et accueilli avec l’intonation et le sourire, l’invitant à partager une tâche ou un repas. « Sans crainte et sans orgueil » dans sa « joie ingénue de vivre libre » il respire pour tous « cette complicité à tous les hommes de son pays »1. N’a-t-il pas été alors déjà reconnu par ces “vieux” qui devinaient sous l’enfant l’ami de cette universelle présence à l’être humain, en deçà ou au-delà des situations diverses, temporelles et précaires ? Bref, d’emblée une graine d’ami ! Et son vécu de fraternité avec Paul le dessine aussi.
Son conte Histoire de Lou – “cet enfant que lui a fait Suzon”, comme il lui écrit dans la dédicace de son manuscrit – ne cesse de réveiller bêtes et arbres, gardiens sous la coupe de la dame des Neiges, à ce naturel embrasement du cœur. Élan naïf et chaleureux qui pousse soit Lou, soit ceux qu’il rencontre à l’humble demande « Veux-tu être mon ami ? ». Et tous, en dépit des rappels à l’ordre de la Dame, “craquent” […]
Après sa mort, environ 150 lettres à Suzon insistent sur son indéfectible sens amical. On y lit et relit ces mots saluant, outre l’auteur authentique, “l’homme savoureux et pur”. Voici quelques échos : Je te parlerais à l’oreille de la bonté de Jean – Cathy. Un nuage de plus au ciel de l’Amitié… Proal était du petit nombre des rencontres heureuses de ma vie… ma grande amitié malgré l’impossible réconfort – Louis Pons. Ouvert à tout et à chacun… Nous avons eu beaucoup de joie de le rencontrer et de chance de le connaître – Brigitte Brini. Il m’a inspiré par la noblesse de sa personnalité. Il a eu la nature la plus pure que j’ai rencontré parmi mes amis – Bill Fifield…
Ainsi, “le métier d’ami” convient bien par son accent de quotidienneté et son rôle de “servante”…
Cf. Le métier d’ami, revue n°3, AAJP 2009 (Jean une graine dans le champ de l’amitié, A-M Vidal)
Il semble donc tout à fait logique et naturel que ce sentiment à la fois d’affection et de sympathie ait rayonné sur les rencontres et les échanges épistolaires avec bien des écrivains (d’origine bas-alpine ou non), qui, au-delà du désir légitime de reconnaissance, ont tout de suite perçu chez Proal des qualités humaines et créatrices d’exception, et lui ont généreusement prodigué en retour conseils et encouragements. Ces marques d’amitié furent pour Proal comme autant de signes, de jalons, lui permettant de vivre un peu mieux les moments sombres et difficiles de sa vie, même si plus tard éloignements, déceptions et malentendus vinrent, semble-t-il, ternir voire refréner ces élans fraternels.
Cf. Le métier d’ami, revue n°3, AAJP 2009 (Amitiés en partage, Gérard Cathala)
À partir de 1950 et jusqu’à la fin de ses jours Jean Proal habite dans les Alpilles avec Suzon Gontier qui sera le bonheur de sa vie. Il avait déjà une longue amitié et dialogue littéraire avec Marie Mauron… Or, c’était le début de l’engouement des peintres, artistes et écrivains pour les Alpilles et la Camargue. Il y tissera d’intenses amitiés dont les peintres Georges Item, Mario Prassinos, Hans Hartung et Anna-Eva Bergman… Un de ses derniers romans, Le Vin d’orage, est intégralement dans la touffeur des Alpilles.
Le crissement des cigales arrivait à une telle continuité, une telle densité qu’il dépassait la limite perceptive du bruit. Si aigu, il était aussi lourd, aussi épais que l’odeur de résine chaude qui emplissait le vallon. De la cour sablée arrivait l’odeur du soleil qui l’avait brûlée tout l’après-midi, différente de celle des pierres, comme plus grenue et plus claire. »
In Le Vin d’orage, éd. Julliard p 7, 10, 12)