Jean Proal, au cœur des femmes

Jean Proal, au cœur des femmes

Dans la houle des motsJean Proal, au cœur des femmes

Jeudi 9 juillet 2015

Campagne Saint Lazare
ancienne route de Dauphin
04300 Forcalquier
Tél. 06 88 10 70 63
Libre participation aux frais

Si souhaité, RDV à 16h00 à la Maison des Métiers du Livre de Forcalquier Lecture ‘Dans la houle des mots’ à 17h00

com-comLecture en public interprétée par Yves Mugler et Anne-Marie Vidal, suivie d’un échange avec le public. Avec le soutien de la Communauté de communes, Pays de Forcalquier-Montagne de Lure.

Au cœur des femmes

Pour ce troisième rendez-vous 2015 ‘Dans la houle des mots’ ce thème essentiel – avec celui de la nature, le plus présent dans cette œuvre… – permettra de découvrir ces visages, une part de cette femme que chaque homme porte en soi.

au cœur des femmes

© Patrick Serena

La lecture sera prolongée d’une causerie et suivie d’un apéritif (participation de 5 €) sur réservation au 06 88 10 70 63 ou

au cœur des femmes

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Des femmes aux divers visages

« À la lecture de l’œuvre, la beauté, la fragilité, la douceur, le courage ou le dévouement des femmes s’expriment ou se devinent. Mais aussi – parfois chez la même – l’autre versant : la rébellion, la combativité, le mystère ou l’orgueil. Y sont incarnées essentiellement celles qui aimantent le désir, sinon l’amour, des hommes. Mais aussi, la mère, la sœur. Et encore, celles qui ont basculé – rejetées par tous – dans la folie, exprimant, par leur intuition suraiguë des êtres, la terrible souffrance du rejet des autres. Ainsi, Luce, Clémence, et la mère de Jourdan – tels des oracles.[…] Plus que fortes ou faibles, face à l’adversité de l’amour elles ont une attitude de survie : soit résignée et obéissant à leur destin, soit une carapace élégante, soit une orgueilleuse rébellion – hormis Marie-Noëlle et Nore, toutes deux si éprouvées, modèles de douce bonté. Elles vivent la lumière ou l’ombre selon leur état de joie ou de souffrance. Leur vie intérieure s’adosse à celle de la nature et s’en nourrit, notamment Carmelle et Hélène. Elles accueillent charnellement la “renaissance du monde” (tel un commencement, thème constant dans l’œuvre de Proal) comme harmonie de soi-même – essentiellement, lors de retours sur le passé ou de la réflexion sur leur ancrage présent ou remise en question de leur vie – parfois très tardivement, telle Thérèse… » (in Carnets du Ventoux, L’aimantation des femmes, AM Vidal)

Extraits de textes pour un avant-goût…

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Affiche du film Bagarres

Sur la place des femmes dans l’œuvre de Proal, voici, à titre d’anecdote savoureuse, la réponse qu’il fit à la question : “La femme de mes livres que je préfère ! Et pourquoi ?”.

« Mais toutes. Et chacune. Elles sont vraiment les “femmes de ma vie”. Et je rêve depuis longtemps d’un artifice (que j’espère bien trouver) qui me permettrait de les confronter entre elles et peut-être de les affronter à leur “père”. Je dis “père”, j’ai envie d’écrire “frère” et je pense “amant” car je m’aperçois qu’il faut admettre la notion de l’inceste entre l’écrivain et ses personnages-femmes. Je m’aperçois encore que la notion de fidélité qui m’est chère n’est pas si évidemment que cela battue en brèche par ces… disons ces fidélités successives – car ces femmes sont, toutes et chacune, un visage, une part de cette femme (mère, amante et fille) que chaque homme porte en soi. Nore, des Arnaud, Cécile de Où souffle la lombarde, Carmelle de Bagarres, Claire de Montagne aux solitudes, et enfin cette Hélène de De sel et de cendre… si différentes mais au fond si pareilles. Toutes, aussi dénuées et aussi orgueilleuses. Chacune murée dans son destin, dans l’impossibilité de rien pouvoir pour celui qu’elle aime, dans sa solitude. Chacune, humble et dure, secrète et tendre, infiniment fragile et invincible. Toutes, belles et promises à l’amour. Toutes marquées par le déchirant stigmate de l’amour approché et impossible. Mais peut-être est-ce Hélène qui me touche le plus. Peut-être parce qu’elle m’est la plus proche et “ma dernière”. Peut-être parce qu’elle est la plus secrète et la plus vulnérable, la plus tendre et la plus dénuée. Peut-être parce qu’elle était la mieux faite pour l’amour et qu’elle l’a le plus irrévocablement manqué. Pas un mot de mon livre ne peut laisser entendre que je l’ai voulue belle. Mais tous ceux qui l’ont “lue vivre” en sont persuadés et en sont devenus amoureux… Et j’en suis, moi, devenu jaloux. ».
Réponse, “un peu hâtive”, dit-il, et qu’il envoya, pour cette enquête, au journaliste Roger Doutriaux, le 1er décembre 1953. In Jean Proal, une écriture saisissante, AM Vidal, Revue n°1, 2007

Proal, écrit ici un des plus beaux textes d’amour de la littérature :

« Je l’attends, et elle arrive, et mon sang frappe durement dans mon cœur, car je ne savais pas qu’elle était si belle. Elle arrive en courant, silencieuse sur ses sandales de corde, et son pas dansant n’arrache pas une pierre du chemin. Elle rit, d’un rire muet qui est autant le rire de tout son corps que le rire de ses dents ou de ses yeux. Elle est dorée comme une alberge mure : ses jambes nues où courent avec les muscles des reflets d’huile blonde, ses bras nus, son cou nu et son visage. Quand elle pénètre sous les arbres, il n’y a plus que sa robe qui semble éclairée par le dedans et ses cheveux qui s’allument. La robe et les cheveux se sont approchés et elle est là tout entière. Toute la lumière du ciel est accrochée à ses yeux. Et toute la chaleur de la terre est maintenant contre moi. » Extrait de Montagne aux solitudes, éd de l’Envol p 67

Le roman Bagarres donne vie à une femme singulière, Martha (l’épouse de Giuseppe tué par Antoine), qui incarne et symbolise le dépassement et l’action rédemptrice :

« L’amitié coule du visage de Martha comme l’huile qui déborde de la jarre, sans bruit et, sous sa coulée, la jarre luit doucement. L’amitié : pas une petite amitié pour un homme. Pas l’amitié pour Antoine – il ne faut pas demander le trop difficile – mais pour nous : tous les hommes, qui ne serions pas trop de nous mettre tous ensemble pour seulement nous défendre. Très grave, Baptiste a fermé les yeux pour mieux voir le geste de cette femme qui se penche pour déposer le pain et le vin dans le mas abandonné. Un geste comme devant un autel. […] Tout ce qui devait être dit l’a été. » in Bagarres, p 214 (cf aussi les contributions de Fanny Déchanet et Anne-Marie Vidal in Jean Proal, écrivain de l’aventure humaine, Carnets du Ventoux n° 75, et Jean Proal, créateur d’humanité, APU 2013).

au cœur des femmes

Antoine et Carmelle dans Bagarres

Pépite de lecteur

UN OBSERVATEUR ATTENTIF
Jean Proal est un observateur attentif et impartial de la société, conscient des batailles que la vie impose aux femmes pour vivre et même parfois pour survivre ; dans ce monde fait par et pour les hommes, elles doivent user de toute leur patience, leur courage et aussi leur amour pour avoir droit à une place au soleil.
Jean Proal les connaît bien, sensibles et toutes différentes, elles sont prêtes à donner beaucoup si l’on veut bien les écouter, mais elles sauront aussi se défendre devant l’indifférence et l’égoïsme masculin :
Carmelle (Bagarres) mènera sa lutte pour gagner son indépendance jusqu’au bout…
Thérèse (Thérèse au soir) lucide et courageuse, après réflexion, reprendra, avec un sourire, le collier d’une vie imposée de génération en génération…
Cécile (La peur des loups) attendait de sa vie autre chose que de faire la bonne à longueur de journée…
Marie-Louise (Fontvive) épuisée de tirer l’eau en bas du chemin et qui finira par trouver des excuses à son Charles…
Toutes ces femmes qui vivent sous la plume de Jean Proal, nous montrent ce qu’elles endurent dans cet univers masculin mais aussi comment elles se battent ; il les comprend, dévoile leurs sentiments les plus intimes : solitude, révolte, persévérance, ambition, amour, mais jamais au grand jamais il ne juge, son regard est plein de sollicitude, de compréhension et de respect.
Jacques Arnaud

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